Isabelle répond à vos questions (partie 2/2)
Publié le 30 mai 2023
Souvenez-vous : en janvier dernier, nous vous invitions à adresser vos questions à notre skipper. Suite à la diffusion d’une première partie de ses réponses dans la newsletter Voile MACSF de février, voici comme promis la suite et fin de l’interview inédite d’Isabelle, au cours de laquelle c’est vous qui jouez aux journalistes !
Tu navigues sur l’un des plus anciens IMOCA de la flotte actuelle. Comment jauges-tu ton bateau par rapport à tes concurrents ?
Jusqu’à aujourd’hui, je plaçais l’IMOCA MACSF en concurrence avec Prysmian Group (Giancarlo Pedote), avec Medallia (Pip Hare) et Nexans – Art & Fenêtres (Fabrice Amedeo) pour la catégorie des foilers. En ce début d’année, le fait que Prysmian Group change de foils et d’étrave va le placer au niveau de Fortinet – Best Western (Roman Attanasio), soit un cran au-dessus de mon bateau. Medallia va également changer de foils. Du coup, je rétrograde en termes de potentiel par rapport à ces deux concurrents. En ce qui concerne les bateaux à dérive, l’IMOCA Monnoyer – Duo for a job (Benjamin Ferré) et Lazare (Tanguy Le Turquais), présentent un potentiel similaire à MACSF sur un parcours comme le Vendée Globe. Sur le dernier tour du monde, il y a eu beaucoup de vent arrière, une situation qui avantage bien les bateaux à dérive. Lazare n’est autre que l’ancien Apicil de Damien Seguin, et nous avions couru longtemps côte à côte lors du Vendée Globe 2020-2021. Je pense aussi à l’IMOCA Imagine de Conrad Colman, un autre voilier à dérive qui est le sistership de MACSF et qui n’est pas loin en termes de potentiel.
N’est-il pas trop difficile de naviguer en saison hivernale ?
Lorsque je courais en Figaro, je naviguais tout l’hiver. C’est vrai que naviguer à cette saison peut se révéler difficile, notamment lorsqu’il y a du vent, qu’il fait très froid, voire qu’il neige ! Il faut néanmoins souligner le fait que, sur le Vendée Globe, on navigue en « hiver » (même si c’est l’été austral) pendant 40 à 50 jours, ce qui représente plus de la moitié du tour du monde ! Avant de prendre le départ du Vendée Globe en 2020, je priorisais un équipement avec des vêtements chauds, notamment en cachemire. J’avais également embarqué un petit chauffage, que je n’ai finalement pas pu utiliser à cause des avaries que j’ai subies. Aujourd’hui, j’aborde la question du froid d’une autre manière en prenant des bains par 10°C voire moins (dans l’Océan, les lacs, avec des douches glacées à la maison) ! L’idée est d’apprendre à mon organisme à endurer le froid et à déclencher la bonne réaction pour se réchauffer tout seul.
Depuis la Mini Transat jusqu’à ton dernier Vendée Globe, plusieurs avaries t’ont privée d’excellents résultats. Est-ce un sujet abordé dans ta préparation mentale, un moteur ou un frein ?
Il s’agit en effet d’un sujet abordé dans le cadre de ma préparation mentale. Au départ d’une course, j’ai à cœur de partir d’une page blanche, comme si je l’abordais pour la première fois. Lors de ma seconde participation à la Route du Rhum – Destination Guadeloupe, il y a quelques mois, on m’a demandé plusieurs fois si je venais pour prendre une revanche suite à l’avarie que j’avais subie quatre ans auparavant. Je répondais systématiquement que je voulais juste écrire une nouvelle histoire. Et c’est ce qu’il s’est passé. Dans ma préparation mentale, je me détache de mes souvenirs, les bons comme les mauvais, car ces derniers pourraient me tirer en arrière. Un bon résultat passé peut être source de pression car on se dit qu’il faut faire au moins aussi bien. A contrario, un souvenir d’échec peut nous amener à nous dire que l’on n’a pas le droit d’échouer ou que l’on doit prendre sa revanche. Mentalement, j’ai juste envie de croire que tout est possible. Cela permet de s’alléger. Pour y parvenir, il faut abandonner ses fantômes et être ouvert à ce qu’il peut se passer de nouveau.
Comment gères-tu les entraînements sur les courses à venir qui se déroulent sur des durées complètement différentes ?
Voici comment je résumerais les choses : un entraînement de 24h permet de préparer la Rolex Fastnet Race ou le Défi Azimut, qui sont des petites courses. Ces dernières se révèlent à leur tour d’excellentes préparations en amont des transatlantiques (Route du Rhum ou Transat Jacques Vabre), qui sont des courses plus longues. Enfin, chaque transat’ est un entraînement pour une course encore plus longue (à l’instar du Vendée Globe), permettant de travailler la gestion de la fatigue, l’endurance, la récupération… etc. Je dis cela tout en soulignant le fait que l’on ne se prépare pas vraiment au Vendée Globe : on le vit. Car aucune course ne permet vraiment de s’entraîner pour deux mois de navigation intenses autour du monde. Pour ma part, les premières nuits en mer sont toujours les plus difficiles. Une fois cette étape charnière passée, j’ai confiance en ma capacité de rentrer dans le rythme d’une course longue. La question est plutôt de savoir comment je vais tenir les premiers jours. Pour cela, les entraînements de 24 heures sont une très bonne préparation.
Quels sont tes principaux objectifs cette saison ? Et quelle sera ta première course ?
Cette année, ma première course sera la Rolex Fastnet Race, au départ de Cowes le 22 juillet prochain. Et pour la saison à venir, je dirais que mes principaux objectifs sont les suivants : découvrir des choses nouvelles, continuer d’apprendre (sur moi-même, mon bateau et notre potentiel), et naviguer aussi bien que sur la Route du Rhum 2022 avec mon binôme cette année !